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Jérémie Boroy, président du CNCPH, en visite en Corse : « L’inaccessibilité des lieux aux handicapés est un délit »


Léana Serve le Mardi 14 Janvier 2025 à 09:50

Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), était présent ce lundi 13 janvier à Bastia pour rencontrer les membres de la Maison des Personnes Handicapées (MDPH). L’occasion d'appréhender les difficultés et les freins que rencontrent les acteurs du handicap sur un territoire insulaire et rural et surtout comprendre comment la MDPH Corse réussit à aligner des indicateurs aussi positifs, alors que la Corse se place dans le top 3 des régions françaises pour le traitement des demandes d’aides. Pour Corse Net Infos, Jérémie Boroy revient sur les actions du CNCPH et de la MDPH Corse, et sur le défi de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.



Jérémie Boroy, président du CNCPH
Jérémie Boroy, président du CNCPH

- Qu’est-ce que le CNCPH ?
- Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, ou CNCPH, permet aux représentants des personnes handicapées de participer à la co-construction des politiques publiques qui concernent les personnes en situation de handicap. En l'occurrence, toutes les politiques publiques les concernent car l’accessibilité et l’autonomie des personnes handicapées sont dans tous les sujets quotidiens.
 

- Y a-t-il une phase de consultation auprès du CNCPH pour ces politiques publiques ?
- À l’origine, notre métier est de répondre aux sollicitations de l’administration ou des ministères lors de projets ou d’arrêtés. Dans les faits, on ne nous demande pas toujours notre avis, donc nous prenons l’initiative de donner notre point de vue et de faire des préconisations. C’est pour cela qu’il y a quelques mois, nous sommes allés sécuriser notre mission en prévoyant notre participation aux travaux du Comité Interministériel du Handicap. Nous sommes donc présents physiquement à cette réunion présidée par le Premier ministre et qui doit se tenir deux fois par an. L'objectif est de mettre à jour régulièrement la feuille de route des ministères pour que tout le monde soit mobilisé sur la question de l’accessibilité et de l’accès aux droits.
 

- Qu’êtes-vous venu faire en Corse, à la MDPH ?
- À l’occasion des 20 ans de la loi du 11 février 2005 qui garantit l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous avons souhaité ouvrir une consultation large auprès des personnes concernées et des acteurs du terrain sur un éventuel besoin de mettre à jour nos lois. Nous souhaitions savoir ce qui marche bien et, au contraire, s’il y a des points d’amélioration. Nous avons donc commencé à nous déplacer dans les régions. J’avais souvent entendu parler de la MDPH de Corse, assez singulière par rapport aux autres, de part la qualité du service apporté. Donc j’étais curieux de venir voir les clés de cette réussite et comment fonctionne, sur une île, la mobilisation entre la collectivité territoriale et les acteurs locaux.
 

- Que pensez-vous de la MDPH de Corse ?
- J’ai été frappé depuis ce matin par l’unanimité des intervenants que j’ai rencontré et qui m’ont parlé de leur travail d’équipe. Ce n’est pas quelque chose de très courant. Il y a une vraie complémentarité entre les différents acteurs, et c’est remarquable.
 

- La MDPH de Corse vous a présenté son bilan. Que pensez-vous des résultats obtenus ?
- Il y a un sujet qui marque les esprits en France : celui du délai de traitement des dossiers. De nombreuses personnes sont en difficulté pour obtenir des réponses dans des délais plus courts. En Corse, la moyenne est de 2 mois et demi pour traiter un dossier et 1,8 mois pour les enfants. C’est un rêve pour tous les départements ! Ce qui m’intéressait, c’était de comprendre les raisons de ce beau succès. J’ai vu une équipe qui travaille ensemble et qui cherche à s’améliorer. J’ai aussi vu la volonté de la MDPH de Corse d’être présente auprès des personnes, et ça, c’est extrêmement précieux.
 

La MDPH a besoin de moyens financiers, et elle souhaite que les petits territoires soient pris en compte dans les futures lois. Pensez-vous que cela soit réalisable ?
Non seulement c’est réalisable, mais c’est surtout nécessaire ! Les MDPH évoluent, mais aussi leur capacité à répondre aux injonctions politiques, nationales et aux attentes des personnes concernées. Il faut qu’elles soient accompagnées dans leurs missions, elles doivent être entendues. Dans chaque territoire, en fonction de sa taille, il faut laisser un peu d’autonomie à la MDPH dans sa manière de décliner les choses au niveau territorial tout en s’assurant de l’égalité de traitement sur tous les territoires. C’est une des promesses de la loi de 2005.
 

- Vous parlez d'accessibilité, notamment aux droits numériques. Que proposez-vous pour l’améliorer ?
- L’accessibilité est la mère de toutes les batailles. On peut parler de compensation de la MDPH, de moyens financiers, d’accompagnement, mais si le sujet de l’accessibilité n’est pas traité correctement, nous n’y arriverons jamais. C’est le pilier de nos obligations, de nos lois, en particulier celle de 2005 et de la Convention des Nations Unies. Que ce soit l’accessibilité des établissements recevant du public, des bâtiments d’habitation collective, des lieux de travail, des sites Internet, des services publics, l’accessibilité doit être la priorité. Aujourd’hui, l’inaccessibilité est un délit. Nous devons empêcher l’ouverture de services dans des endroits inaccessibles, mais aussi l'ouverture de sites Internet non adaptés. Nous devons arrêter de tolérer l’inaccessible.


La MDPH Corse est dans le top 3 des régions françaises pour le traitement des demandes d’aides
La MDPH Corse est dans le top 3 des régions françaises pour le traitement des demandes d’aides